Rapport au travail de l'individu : du désir de s'accomplir à la réalité des moyens
- Géraldine ABRAHAM
- 19 févr.
- 4 min de lecture
Comment définir le travail ?
Est-ce toujours vraiment la santé comme le chantait Henri Salvador ?

Définir le travail est complexe.
"Travailler c'est contribuer par des services particuliers à l'existence de tous afin d'assurer la sienne propre" Henri Wallon, psychologue et homme politique français du XXème siècle
Pour tenter une définition juste, il convient peut-être de l’aborder sous différents angles : celui du droit, de la psychologie, de la philosophie et de la sociologie.
Chacune de ces disciplines offre un éclairage singulier sur ce concept central à la vie de l’individu et plus généralement à la société.
La définition basique du travail, d’après le dictionnaire Larousse, consiste à dire que le travail est “l’activité de l’Homme à la création, la production, l’entretien de quelque chose”.
Le travail à travers le prisme du droit
Du point de vue du droit, le travail est défini par des règles et des lois (le code du travail) qui encadrent l’emploi.
Cet ensemble définit la relation employeur/employé, et la normalise par un contrat.
Le droit du travail, consigne les droits et les devoirs de chacune des parties prenantes du travail. Le droit du travail permet de normer la relation entre l’individu et l’organisation et assure la protection et la sécurité de chacune des parties.
L’approche philosophique du travail
En philosophie, plusieurs visions se confrontent.
Il convient, lorsque l’on parle de travail, d’évoquer l’approche des philosophes allemands Hegel et Marx. Karl Marx disait, à propos des travaux d’Hegel :
" Hegel a bien découvert le travail comme l'acte par lequel l'homme se produit lui-même. "
Dans ses travaux, Hegel définit en effet le travail comme un lien essentiel entre l’individu et le monde, “une activité sociale et éducative”.
Avec cette approche, le travail prend une autre dimension.
Il n’est plus ici question uniquement de production d’objets ou de services, mais aussi d’accomplissement de soi, au cœur de la société.
Alors que pour Marx, le travail est une activité aliénante de l’individu, au service d’une société capitaliste, qui nie l’humanité des personnes au profit de la production et de la performance économique.
Une vision sociologique du travail
En sociologie, le travail est perçu comme une activité qui structure la vie sociale et qui apporte un statut à l’individu.
Le travail classe les individus dans des catégories dites socio-professionnelles, il matérialise les classes et l’appartenance à des communautés et par là-même les inégalités (ingénieurs, cadres / employés, ouvriers, salariés/ chefs d’entreprises).
Il comprend l’organisation des entreprises, les relations sociales et matérialise les jeux d’influence et les relations de pouvoir.
C'est un système organisé qui fait société au sein de la société.
Dimension psychologique du travail
Pour l’individu, le travail peut être une source de motivation, avoir un impact sur son bien-être : “le travail c’est la santé” ou de mal-être : situations d’épuisement professionnel, de harcèlements, problèmes physiques.
Le travail joue un rôle sur l'identité de la personne et sur ses relations aux autres.
L’individu et l’organisation : travail et représentation
Nous l’avons vu, définir le travail est complexe et la relation au travail de l’individu également.
Un moyen pour vivre pour certains et subvenir à leurs besoins fondamentaux, le travail peut être pour d’autres source d’accomplissement ou d'émancipation.
Je pense au travail des femmes, à l’ascension sociale et au transfuge de classes notamment. Le travail peut servir à nourrir des valeurs comme il peut aussi, si l’organisation est dysfonctionnelle ou l’individu plus aligné avec ce qu’il accomplit, devenir une source de mal-être.
Alors, le travail, accomplissement, émancipation ou asservissement ?
Quel que soit notre point de vue ou notre expérience sur le sujet, nous pouvons cependant constater que le travail a une place particulièrement importante dans notre société.
Nous n’avons qu’à observer les échanges sociaux pour nous en rendre compte.
Lorsque l’on demande à un individu de se présenter aux autres, en société, il est fréquent de constater que le métier qu’il exerce est très vite évoqué.
A la question, tu fais quoi dans la vie ? Il est sous-entendu, tu exerces quel métier ? Le travail est considéré, dans la société française d'aujourd’hui, comme une composante inhérente à l’individu. Une partie qui façonne son identité et parfois vient même la supplanter.
Mais notre identité est-elle seulement définie par notre travail ? Cette conception réductrice de l’individu peut-être clivante et dangereuse pour lui-même.
Clivante, car il suffit de constater à quel point perdre son travail peut vous exclure de la société. Si l’individu est défini en grande partie par son travail, que devient-il et qui est-il s’il n’en a plus ?
Dangereuse, aussi car de nombreuses études montrent que les personnes en situation de chômage ont une situation de santé plus précaire que les personnes qui travaillent.
Le risque de connaître un épisode dépressif est plus élevé chez les personnes sans emploi : +24% chez les hommes et +26% chez les femmes. (1)
C’est pourquoi, lorsque l’individu perd son travail ou ne se sent plus ou pas aligné avec celui-ci, il peut vivre une période difficile qui vient questionner son identité et ses valeurs mais aussi mettre en danger potentiellement sa santé.
Sources : (1) La Santé en action, n°463, Mars 2023
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